• Samedi 23 janvier 2009, 13h22, maison de la famille Sting.



    toc toc toc...



    « Oui, une seconde, j'arrive ! Chéri tu ne veux pas aller ouvrir s'il te plait ?

    - Pourquoi t'y vas pas ?

    - Je... Je suis occupée... »

    Jimmy soupira et se leva avec peine de son canapé. Il s'était tellement assis dedans que la barre en bois qui était à l'intérieur lui rentrait dans le dos et qu'il s'enfonçait dans le siège à chaque fois qu'il essayait de se lever. Il alla jusqu'à la porte qu'il ouvrit, agacé d'être dérangé sans cesse depuis ce matin. Il tomba nez à nez avec trois policiers.

    « Monsieur Sting ?

    - Oui. C'est moi. Qu'est-ce que vous voulez ?

    - Agents Hirvy, Berhzo et Spitz. Nous venons à la demande de votre femme pour rechercher votre fille... Ahénolïa.

    - Ah ouais. Euh... entrez ma femme va pas tarder.

    - Merci monsieur. »

    Les trois agents entrèrent et se mirent à regarder l'intérieur de la maison. C'était une manie chez eux. Quand on entre dans une maison, il suffit de regarder les meubles, les objets, les murs et même sans rien toucher, on sait comment ils vivent, comment ils éduquent leurs enfants. On peut presque deviner ce qu'ils mangent. Et à en juger par l'état de la pièce principale et au comportement de Jimmy Sting, ils ne vivaient pas comme des rois.

    Jimmy passa devant eux et retourna s'asseoir dans son éternel canapé, tandis que sa femme descendait les marches de l'escalier. Au moment où le dos de Jimmy touchait le dossier du canapé, Alésia posait son pied sur la dernière marche de l'escalier.

    Elle vint presque en courant vers les trois agents qui furent assez surpris de voir arriver une femme aussi maquillée et superficielle. Elle devait avoir dans les 30 ans mais en

    paraissait dix de plus. Elle avait l'air soulagée malgré les larmes maladroitement essuyées qui étaient encore bien visibles sur ses joues rebondies.

    « Oh messieurs ! Ma petite fille... Ma chérie... On ne sait pas où... Oh.

    - Calmez-vous madame. Nous allons la retrouver. Elle ne doit pas être bien loin...

    - On l'a appelée pendant plus d'une heure et... rien. On ne sait pas si... Oh, et s'il lui était arrivé quelque chose... Je ne pourrai pas le supporter. Oh, non... Jamais.

    - Madame, nous allons devoir vous poser quelques questions afin de savoir pourquoi elle est partie et où elle aurait pu aller.

    - Oui, bien sûr.

    - Bien. Alors nous allons vous soumettre ce petit questionnaire que vous devez remplir maintenant. Ce sont les informations de base que nous devons connaître sur votre fille.

    - Oui, très bien. »

    Alésia convia les trois hommes à venir s'asseoir à une petite table en bois qui se trouvait entre le salon et la cuisine. L'un des agents tendit le questionnaire à Alésia, qui se leva et partit en direction de la cuisine afin d'y prendre un stylo. Elle revint dans le salon et s'assit de nouveau, puis s'empressa de remplir le-dit questionnaire et le rendit à l'agent qui le lui avait donné. Celui-ci se mit à le lire pour connaître plus de détails sur Ahénolïa.



    Nom de la personne disparue : Sting

    Prénom : Ahénolïa

    Date de naissance : 6 décembre 2003

    Age : 6 ans

    Adresse : 12 rue des Colombes, Westminston

    Nom, prénom(s) et profession du père : Jérémy Alexandre Sting, agent immobilier

    Nom, prénom(s) et profession de la mère : Alésia Marie Sting, mère au foyer

    Situation des parents : Mariés

    Couleur des yeux de la personne disparue : vert

    Couleur des cheveux : marron-caramel

    Taille (en m.) : 1m15

    Poids (en kg.) : 20,3 kg.

    Pointure : 30

    Numéro(s) de téléphone des parents : 08 93 56 47 22

    Vêtements portés le jour de la disparition : Manteau rouge, pull blanc à rayures bleues, bottes rouges, pantalon bleu foncé.

    L'agent passa le questionnaire à ses collègues afin qu'ils puissent en prendre connaissance et regarda Alésia pendant de longues minutes. Puis, quand ses partenaires eurent fini leur lecture, celui de droite posa le questionnaire sur la table et celui au centre reprit la parole.

    « Mme Sting, est-ce que... Est-ce que vous connaissez les raisons qui auraient pu pousser votre fille à partir dans la forêt ?

    - Euh... Eh bien... Non. Non je ne les connais pas...

    - Mme Sting... Nous ne pourrons pas retrouver votre fille si vous ne nous aidez pas...

    - Bon. Oui, je... »

    Alésia se stoppa net lorsqu'elle croisa le regard de Jimmy. Il avait les sourcils froncés et ses yeux étaient noirs comme de l'encre. Il avait l'air de quelqu'un capable de vous tuer si vous révéliez l'un de ses secrets. Et Alésia déglutit avec difficulté lorsque l'agent de police qui se trouvait en face d'elle lui demanda de poursuivre.

    « Donc, vous dites que vous pensez connaître ces raisons, c'est bien cela, Mme Sting ?

    - Oui.

    - Pouvez-vous nous en faire part ?

    - Eh bien.

    - Votre fille est tout ce qui nous importe madame. Nous ne sommes pas là pour juger ou quoique ce...

    - Oh que si ! s'exclama Jimmy qui venait de se lever d'un bond de son canapé.

    - Monsieur... commença l'agent qui se tenait à droite.

    - Quoi ? Venez pas ici si c'est pour raconter des blagues ! Vous demandez ça, vous jugez pas devant nous mais dès que c'est sorti ça lance des vannes et ça raconte !

    - Jimmy, voyons, ces messieurs ne sont pas comme ça ! Il veulent juste nous aider... intervint Alésia.

    - Ah oui ? Nous aider à quoi ? Démolir notre réputation ? Déjà qu'elle est bien mince !

    - Jimmy s'il te plaît, laisse nous...

    - Non ! Je les laisserai pas ruiner c'que j'ai ! J'veux qu'ils sortent de chez moi ! Sortez ! Vous avez pas compris ?

    - Jimmy va-t-en !

    - Bons à rien ! Comment est-ce que tu peux leur faire confiance ? Si tu leur raconte quoi que ce soit je te jure que...

    - Monsieur nous n'allons rien raconter à personne... C'est juste pour essayer d'avoir plus d'informations, pour retrouver votre fille le plus vite possible.

    - Si ça se trouve elle est déjà morte. »

    Alésia ouvrit sa bouche et écarquilla les yeux au maximum. Les trois agents se regardèrent, choqués par de telles paroles. Jimmy monta alors l'escalier et alla dans sa chambre.

    Alésia regarda de nouveau les trois hommes assis en face d'elle. Elle baissa les yeux lorsqu'elle vit qu'ils la regardaient également et devint cramoisie. Elle était gênée, mal à l'aise et choquée par les propos de son mari. L'agent qui se trouvait à gauche, et qui n'avait pas prononcé un seul mot depuis qu'il était arrivé, commença alors à parler à Alésia, d'une voix douce, calme et posée.

    « Madame Sting, est-ce que votre mari est alcoolique ?

    - Non. Il est juste brutal, violent et hautain.

    - Est-ce qu'il vous bat ?

    - Non.

    - Très bien.

    - Vous... Vous ne raconterez vraiment rien ?

    - Nous devrons le rapporter à notre chef, que vous avez eue au téléphone, mais à part elle personne ne le saura.

    - Très bien. Merci.

    - Mme Sting. Est-ce qu'il serait possible pour vous de nous faire part de ce que vous savez sur les raisons de la fuite de votre fille ?

    - Oui.

    - Très bien. »

    L'homme de gauche sortit un petit Dictaphone de sa poche et le posa au centre de la table. Il regarda Alésia, qui ne comprenait pas ce qu'il faisait, et la rassura.

    « Pour enregistrer. Je n'ai pas une mémoire phénoménale et nous aurons sûrement besoin de ce que vous allez nous dire.

    - D'accord. »

    Il enclencha le bouton START et commença à parler.

    « Samedi 23 janvier 2009, 14h24, maison de Jimmy et Alésia Sting, 12 rue des Colombes, Westminston. Agent Irvy Spitz. Leur fille Ahénolïa a disparu aux alentours de 9h dans la forêt de Mira. Raisons potentielles de sa disparition d'après Alésia Sting, la mère de l'enfant. Allez-y madame...

    - Eh bien, ce matin Ahénolïa s'était réveillée vers 8h30. Elle avait déjeuné et était toujours en peignoir lorsqu'elle est allée dans le salon demander à son père s'il la trouvait lâche. Je ne sais pas pourquoi elle lui a demandé ça. Elle ne le lui a pas dit. Son père lui a répondu que, comparée aux personnes qui travaillent sous la pluie, aux pompiers, aux soldats, aux policiers et tous ceux-là, oui elle pouvait se considérer comme une lâche, au chaud dans sa maison, emmitouflée dans son peignoir. Alors elle est montée s'habiller, elle a pris son manteau rouge, elle a mis ses bottes et elle est sortie dehors. Vers 12h30 le repas était prêt et nous ne la trouvions pas. Je ne savais pas qu'elle était sortie, c'est mon mari qui m'a raconté tout cela. Donc nous sommes sortis tous les deux et nous sommes allés dans la forêt. On l'a appelée pendant plus d'une heure, sans réponse. Rien. Alors j'ai pris mon téléphone et j'ai composé le numéro du commissariat de Westminston.

    - D'accord. Merci madame Sting. Fin de la déposition. Samedi 23 janvier 2009, 14h36. »

    L'agent Spitz prit le Dictaphone dans sa main et appuya sur le bouton STOP. Il rangea l'appareil dans la sacoche qui était posée à côté de lui et regarda à nouveau Alésia.

    « Nous allons tout faire pour la retrouver Mme Sting. Je vous le promets.

    - Merci.

    - Maintenant nous allons vous laisser. On va retourner au commissariat et remplir un dossier afin que cette disparition soit traitée le plus rapidement possible.

    - D'accord, très bien. Merci.

    - Au revoir madame.

    - Au revoir. »

    Les trois hommes se levèrent et serrèrent la main d'Alésia. Ils se dirigèrent tous les trois vers la sortie et promirent qu'ils retrouveraient l'enfant. La jeune femme referma la porte derrière eux et resta debout dans l'entrée. Elle n'arrivait même plus à penser. On lui avait enlevé son bébé. Sa petite fille. La prunelle de ses yeux. Sa vie.

    C'était la seule information qui passait en boucle dans son cerveau, ne laissant plus la place à d'autres réflexions. Elle pensait à sa fille. Sa Nolie. Se demandant si elle avait mal. Se demandant si on l'avait enlevée ou si elle était juste perdue. Se demandant si elle avait peur. Si elle souffrait. Si elle était triste. Si elle pleurait.

     

     Alésia dû aller s'asseoir dans le canapé car elle commençait à voir des étoiles bleues devant ses yeux. 


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  • Samedi 23 janvier 2009, 15h03, commissariat de police de Westminston, bureau du l'agent Ïga Bory.



    L'agent Bory avait envoyé ses trois agents chez Alésia Sting depuis plus d'une heure et elle n'avait toujours aucune nouvelle.

    (Mais qu'est-ce qu'ils foutent Bon Dieu ?!)

    Ïga n'était pas du genre patiente. Loin de là. Elle aimait que tout soit fait dans la seconde et sans bavures. Vite fait bien fait, comme on dit. Et elle n'aimait surtout, surtout, surtout pas les personnes en retard, qui ne préviennent pas avant qu'elles le soient. « Vous êtes en retard ? Appelez ! ». C'était la première chose qu'elle apprenait aux nouveaux qui débarquaient dans son équipe.

    Tandis qu'elle était perdue dans ses pensées, énervée contre Spitz, Hirvy et Berhzo qui n'avaient toujours pas appelé, les trois hommes frappèrent à la porte du bureau et entrèrent, sans attendre d'y être invités. Lorsque Ïga se rendit compte qu'elle n'était plus toute seule, elle décida de rester tournée vers la fenêtre, se mettant dos à eux, sachant pertinemment que cela les mettrait mal à l'aise, mais ça lui plaisait.

    « Pouviez pas prévenir ?

    - Dispute.

    - OK.

    - On est restés près d'une heure là-bas...

    - Et la demi-heure qui restait ?

    - Quoi ?

    - Ça fait une heure et demie que je vous ai envoyés là-bas.

    - La route.

    - Et vous ne pouviez pas appeler sur le retour pour prévenir, histoire que je sache que tout allait bien, que je prenne connaissance de tout ce que vous savez ?

    - On...

    - Non.

    - Désolés.

    - Bah, c'est rien. Je suis... un peu à cran, ces temps-ci.

    - Ouais, on a vu ça.

    - OK. Donc, qu'est-ce que vous avez appris ?

    - On lui a fait remplir le questionnaire, on a enregistré les raisons probables de la fuite et puis les parents se sont disputés. On sait que le père est brutal mais pas alcoolique. Il ne bat pas sa femme ni sa fille.

    - Une bonne chose au moins.

    - Ouais. Mais il n'a pas l'air de les aimer vraiment. Il faudra peut-être l'interroger... Et puis... tiens, voilà le questionnaire.

    - Qui l'a rempli ?

    - La mère.

    - Où était le père ?

    - Dans le canapé.

    - OK.

    - Et puis...

    - L'enregistrement.

    - C'est moi qui l'ai, intervint Spitz en sortant l'appareil de sa sacoche. Il le tendit à Bory.

    - Merci. J'aime pas les disparitions d'enfants...

    - Nous non plus. Mais si ça se trouve elle s'est juste perdue.

    - Dans Mira ? Y a pas pire endroit pour se perdre.

    - On la retrouvera.

    - Ouais. »

    L'agent Bory prit sa veste en cuir marron qui était sur le dossier de sa chaise et se dirigea vers la porte. Les trois hommes la regardèrent, se demandant où elle allait, puis elle se tourna vers eux, légèrement agacée.

    « Bah alors... vous venez ?

    - Où ça ?

    - A Mira tiens ! Où veux-tu qu'on aille ? »

    Spitz prit sa sacoche, Hirvy ouvrit la porte et Berhzo laissa Bory passer devant.

    « J'espère qu'elle n'est pas partie trop loin... murmura Berhzo.

    - Je l'espère aussi, soupira Bory »

     

     Ils sortirent du commissariat et montèrent dans deux des voitures de fonction, entrant tous la direction de la Forêt de Mira dans leur GPS.


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  • Samedi 23 janvier 2009, 15h57, forêt de Mira.



    Bory, Spitz, Hirvy et Berhzo se garèrent en ligne sur le parking poussiéreux qui était attenant à la forêt. Ils descendirent de leurs voitures et se dirigèrent vers l'entrée du bois.

    « Allez, c'est parti... dit Ïga, l'air moins rassurée qu'à l'ordinaire. »

    Et elle pénétra dans la forêt, suivie par les trois hommes.

    Ils formaient un quatuor assez incongru. Pas beaucoup de points communs. Des physiques assez opposés. Pas toujours les mêmes façons de s'habiller. Ni de se comporter.

    L'agent Irvy Spitz était roux aux yeux verts. Il était toujours vêtu d'un costume- cravate marron clair et de chaussures bien cirées. Il avait des lunettes, marrons elles aussi, et le crâne légèrement dégarni. A première vue, il ressemblait plus à un inspecteur des impôts qu'à un agent de police. Mais il avait le mérite d'être direct, poli, délicat et perfectionniste. Il ne quittait jamais sa sacoche, qui contenait tout son matériel. Spitz était le plus habile du groupe pour tout ce qui touchait à l'informatique.

    L'agent Ïan Hirvy était grand. Très grand. Il mesurait aux alentours de deux mètres et avait toujours du mal à trouver des vêtements à sa taille dans les magasins. Il portait un jean noir, une chemise blanche et une veste en cuir noire. Ses cheveux étaient de la même couleur que sa veste et toujours légèrement en bataille, bien qu'il s'appliquait à essayer de les discipliner chaque matin. Il était connu au commissariat pour ses blagues, son humour et son charisme. Il était toujours appelé le premier quand il y avait un interrogatoire ou une visite à effectuer chez les proches des victimes.

    L'agent Kurt Berhzo était de taille moyenne et avait des cheveux noirs, comme son collègue, l'agent Hirvy. Il était timide, discret et ne parlait pas beaucoup lors des visites ou des interrogatoires. Il était toujours habillé d'un costume-cravate noir ou gris, suivant son humeur. Chaque fois qu'il fallait observer des lieux ou trouver des indices, ses collègues sortaient toujours de la pièce pour le laisser travailler en silence, parce qu'il était le plus doué pour trouver des choses que personne ne voyait.

    Au final, ils avaient tous quelque chose qu'ils avaient « hérité » d'Ïga. Spitz avait eu le droit à son perfectionnisme. Hirvy avait eu le droit à son charisme. Et Berhzo avait hérité de sa discrétion et de son observation.

    Ïga, Kurt, Irvy et Ïan se suivaient en file indienne, à travers les troncs.

    « Vous connaissez le chemin au moins ? demanda Ïga.

    - Le chemin pour aller où ? lui demanda Berhzo, qui se trouvait en début de file.

    - Pour aller chez les Sting !

    - Ah... euh... oui.

    - Tu sais Berhzo, si tu ne le connais pas, tu me le dis tout de suite, histoire qu'on ne se perde pas dès le début.

    - Je le connais presque...

    - Presque ? Ça veut dire quoi « presque » ? Soit tu le connais, soit tu ne le connais pas !

    - Je le connais ! Mais c'est juste certains passages où il y a plusieurs chemins et...

    - Spitz, tu le connais ?

    - Oui.

    - Merci Spitz. »

    Irvy Spitz remit ses mains dans ses poches et continua à marcher en regardant ses chaussures. Berhzo, lui, avait l'air penaud.

    « Je ne t'en veux pas Kurt. C'est juste que je n'ai vraiment pas envie de me perdre là-dedans...

    - Oui, je comprends.

    - Sûr ?

    - Oui.

    - OK. »

    Ils continuèrent de marcher pendant dix minutes, se laissant guider par Spitz et Berhzo qui mêlaient leurs souvenirs du chemin à suivre, tandis que Hirvy essayait de meubler la conversation avec Bory.

    « Ïga, comment est-ce que t'es devenue agent au fait !

    - Quand j'étais petite je voulais faire lieutenant de l'armée et mon père était militaire alors il m'a aidée à me faire un peu connaître pour m'ouvrir des portes et finalement j'ai découvert le métier d'agent de police et ça m'attirait beaucoup plus que lieutenant.

    - Sérieusement ?

    - Tu ne me crois pas ?

    - En fait... si. Tous les lieutenants sont têtus, pointilleux, grognons et ça te correspond ! »

    Hirvy se mit à éclater de rire tandis qu'Ïga lui mettait un coup de coude dans les côtes en souriant. Elle fit semblant d'être vexée et Hirvy cru qu'elle l'était réellement.

    « Eh... Ïga, c'était pour rire. Je t'ai vexée ?

    - Oui.

    - Mince, désolé. C'était pour rire tu sais ?

    - Mais oui je sais ! Moi aussi c'était pour rire !

    - Vous avez fini vos gamineries ? demanda Spitz qui n'arrivait pas à se concentrer sur les souvenirs qu'il avait du chemin, avec tout le bruit que faisaient ses collègues.

    - Ïga tais-toi, l'agent spécial Spitz est très énervé !

    - Mais taisez-vous à la fin !

    - C'est toi le nouveau lieutenant Spitz ? demanda Hirvy.

    - On se demande ce que fait le vrai lieutenant... lâcha Irvy à sa chef en souriant. »

    Les quatre collègues se mirent à rire tout en continuant de marcher. C'est alors qu'ils aperçurent la sortie du bois.

    « Merci Spitz ! Et merci Berhzo aussi ! On est sauvés !

    - T'en fais pas un peu trop Ïga ? demanda Hirvy.

    - C'est pas une blague. Je te le dis, se perdre dans Mira c'est un vrai cauchemar ! »

    Cette phrase que Bory venait de dire fit remonter de nombreux souvenirs à la surface. Et pas des plus agréables...

    (24 mai 1986, forêt de Mira.

    Ïga tourna sur elle-même, l'angoisse se lisant dans les prunelles de ses yeux. Perdue. Elle était perdue. Elle ne voyait que les troncs autour d'elle et la lumière ne passait que faiblement à travers le feuillage des arbres. Comment avait-elle réussi à se perdre ?

    Et surtout comment allait-elle sortir ? Elle n'avait que 7 ans !

    « Papa, où es-tu ? Papa ! »

    Ïga tournait sur elle-même, l'angoisse se lisant sur son visage qui était devenu blême.

    *CRAC*

    Ïga se retourna violemment. Derrière elle, caché par le tronc d'un chêne, un homme en manteau rouge se tenait debout, une casquette bleu marine sur la tête. Dès qu'elle le vit, elle se mit à courir. Elle l'avait vue dans ses yeux. La lueur. Celle que l'on voit dans le regard des gens qui passent à la télévision. Les gens qui ont tué. Les gens que l'on va emprisonner. Alors elle courut. Elle détala à toute vitesse, aussi vite que ses petites jambes le permettaient.

    Mais l'homme à la casquette faisait de très grands pas et ne tarda pas à la rattraper. Ïga, apeurée, se mit à hurler de toutes ses forces.

    « NON ! »

    Non, il n'avait pas le droit !

    « Papa ! Papa, viens me chercher ! Papa, viens ! J'ai besoin de toi ! PAPAAAAA ! »)



    « Ïga ? Ça va ? Qu'est-ce qu'il y a ? Ïga, réponds bon sang ! »

    Ïga était restée plantée au milieu du sentier, le regard vague, perdue dans ses pensées. Elle était en train de parler avec Hirvy, pendant que Spitz et Berhzo se félicitaient d'avoir retrouvé, ensemble, le chemin de la maison des Sting. Et depuis, Ïga avait le regard voilé, le visage dépourvu d'expression, l'esprit ailleurs.

    « Ïga !

    - Hirvy ? Mais qu'est-ce... commença-t-elle, enfin revenue à elle.

    - Ïga, qu'est-ce qu'il s'est passé ?

    - Euh... Je... Rien.

    - Rien ? T'appelles ça rien ? Bordel, Ïga, dis-le nous !

    - Hirvy, je suis désolée, mais je ne peux pas te le dire.

    - Mais Ïga...

    - Je ne peux pas te le dire ! Je ne peux pas.

    - OK. Mais tu es sûre que ça va ?

    - Oui.

    - D'accord. On va chez les Sting.

    - Ouais.

    - Bon... On y va. »

    Spitz et Berhzo reprirent la tête de la file, côte à côte, et se jetant des regards interrogateurs, essayant de savoir si l'autre comprenait. Malheureusement, aucun d'eux ne le savait. Et tant qu'Ïga ne dirait rien... ils ne le sauraient pas.

    Ils arrivèrent devant la maison des Sting vers 16h37. Spitz frappa à la porte et Alésia leur ouvrit, les invitant à s'asseoir à la même table qu'en début d'après-midi. Jimmy était en haut dans sa chambre, en train de dormir. Ïga prit la parole et demanda des informations complémentaires à la mère d'Ahénolïa, afin de pouvoir retrouver l'enfant plus rapidement et plus facilement qu'avec un questionnaire et un enregistrement au Dictaphone.



     




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  • Samedi 23 janvier 2009, 19h37, maison de « L'homme au chapeau ».



    Cela faisait maintenant 9 heures que L'homme au chapeau avait poussé Ahénolïa dans la maison. Il ne l'avait pas installée dans la cave. Pas comme on le voit souvent dans les feuilletons policiers que regarde maman. Non, il l'a emmenée dans une des chambres, à l'étage. C'était comme s'il l'attendait, se dit Ahénolïa. Tout était prêt. Le lit était fait, il y avait des fruits sur la table de nuit et même un pyjama rose pale, plié et posé sur lit.

    L'homme au chapeau se tenait dans l'encadrement de la porte, bloquant le passage au cas où Nolie essaierait de s'enfuir. Elle se força donc à entrer et il lui intima de s'asseoir sur le lit.

    Il n'était pas resté à la maison pendant la journée mais il l'avait solidement attachée au pied d'une grand armoire impossible à déplacer pour une petite fille. Il l'avait bâillonnée de sorte qu'elle ne pouvait plus alerter les voisins, et il était parti. En revenant, il l'avait détachée et l'avait amenée dans la chambre dans laquelle elle se trouvait maintenant.

    « Nolie, la peste.

    - J'suis pas une peste.

    - Tu crois sérieusement ce que tu dis ?

    - Oui.

    - Ma pauvre Nolie, je te plains. Vraiment.

    - Je vois pas pourquoi. Et puis arrête de m'appeler Nolie. Comment tu connais ce nom ?

    - Parce que je sais tout sur toi. Nolie.

    - N'importe quoi ! J'suis sûre que c'est une blague de papa. Comme ça si j'ai peur tu lui diras et après il me traitera encore plus de lâche.

    - Peste et paranoïaque. On a de quoi faire.

    - Je suis pas une peste !

    - Arrête de crier !

    - NON ! Je veux rentrer chez moi ! Laisse-moi partir !

    - Oh, non... jamais !

    - Pourquoi tu m'as emmenée ici ?

    - Pour te faire payer.

    - Payer ?

    - Tu es une vraie peste Ahénolïa Sting, et tu vas en baver pour ça... »

    Une lueur démente se mit à briller dans ses yeux. Il allait lui faire du mal. Elle le savait très bien mais essayait de se cacher cette vérité. Elle en avait bien trop peur pour se l'avouer.

    « Au fait Nolie, bonne nuit !

    - Quoi ? Mais il n'est que... Quelle heure est-il ?

    - 19h52.

    - Il ne fait même pas nuit !

    - Et alors ? C'est moi qui fixe les règles ici.

    - Mais...

    - J'espère que tu n'as pas peur du noir...

    - Euh... N... Non...

    - Tu n'as pas l'air sûre... dit-il avec un sourire sournois.

    - J'ai pas peur !

    - OK. Donc je peux éteindre la lumière ?

    - Oui.

    - Et fermer le volet jusqu'en bas ?

    (...)

    - Alors ?

    - Oui.

    - OK. Bonne nuit, Nolie »

    L'homme au chapeau sortit une toute petite télécommande blanche de la poche arrière de son pantalon et appuya sur un bouton. Le volet commença à descendre lentement, dans un bruit de grésillements.

    « Eh, Nolie !

    - Quoi ?

    - Cherche pas, j'ai pas de veilleuse ! »

    L'homme se mit à rire et sortit de la chambre en fermant la porte. Ahénolïa entendit la clé tourner dans la serrure. Bon, OK, elle avait peur. Vraiment très, très peur. Mais elle allait s'en sortir n'est-ce pas ?

     

     N'est-ce pas ? 


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  • Samedi 23 janvier 2009, 20h53, maison de la famille Sting.

     

    Seule.

    Voilà comment elle se sentait. Seule. Elle était là, à regarder la télévision sans vraiment voir ce qui défilait sur l'écran. Elle pensait. Sans savoir vraiment à quoi elle pensait.

    Alésia Sting se sentait seule.

    Jimmy était monté dans leur chambre après la scène qu'il avait faite aux policiers et n'en était pas sorti depuis.

    C'était la première nuit qu'Alésia passait sans sa fille. Elle n'avait jamais laissé Nolie partir dormir chez une amie. Elle ne pouvait pas dormir sans savoir que son enfant était dans la maison. C'était inconcevable. Impossible. Elle ne pouvait pas.

    « Nolie... mais où es-tu ? »

    Des larmes rondes et chaudes commencèrent à couler le long de ses joues. Elle était... abattue. Déboussolée. Seule. Perdue. Vide.

    « Mais qu'est-ce que je vais faire ? Nolie, où es-tu ? Reviens... »

    Alésia se leva péniblement du fauteuil, se dirigea vers la cuisine et ouvrit le tiroir du bar dans lequel Jimmy conservait ses bouteilles. Elle en prit une au hasard, son regard balaya rapidement l'étiquette et l'ouvrit.

    Une odeur de whisky emplit ses narines. Elle n'aimait pas le whisky, mais peu lui importait. Elle retourna dans le canapé où elle vida la bouteille d'un trait.

     

     La tête commença à lui tourner et elle s'endormit, ivre-morte, la télévision toujours allumée.


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