• ***



    *CRAC*



    Ahénolïa se retourna vivement en entendant le craquement sonore résonner derrière elle. Il se tenait là. Un homme, pas franchement discret avec son manteau jaune et son grand chapeau noir. Il ressemblait aux cliqués qu'on avait sur les pêcheurs bretons. Mais il n'était sûrement pas là pour pêcher... Ahénolïa commençait à réaliser à quel point elle était en danger. Parce que l'homme au chapeau qui se tenait devant elle se mit à sourire, d'un rictus malsain.

    Il fit à nouveau un pas vers elle et l'enfant se mit à détaler à toutes jambes. Mais comment s'enfuir alors qu'elle ne savait même pas par où elle était venue ? Elle avait de trop petites jambes pour faire de si grands pas. La forêt était immense. Et l'homme se retrouva vite derrière elle. Il l'attrapa par le col de son petit manteau rouge et la tira à lui, avec force. Le choc lui coupa la respiration et Ahénolïa suffoquait, paniquée et tout à coup trop serrée dans son petit blouson. L'homme au chapeau lui plaqua une main sur la bouche, alors qu'elle commençait à appeler à l'aide. Il sortit de la poche de son manteau jaune un rouleau de Chatterton, avec lequel il scotcha les lèvres de la petite fille. Il fit trois fois le tour de sa tête avec le ruban adhésif, tout en veillant à ne pas lui boucher les narines pour qu'elle puisse respirer. Il décrocha ensuite le rouleau de la tête de l'enfant avec ses dents. Et il se pencha à son oreille pour lui susurrer tout bas :

    « Je vais te montrer comment doit se comporter une petite fille toute mignonne, toute gentille. Espèce de lâche... Tu vas voir ce que tu vas voir Nolie. »

    Comment connaissait-il son surnom ? Seuls ses parents la surnommaient ainsi. Nolie. La petite se mit alors, à sa plus grande surprise, à pleurer. Pleurer de désespoir, de peur, de rage, de fatigue, de colère, de douleur., de stupeur, de haine...

    L'homme attrapa Ahénolïa par les bras et la jeta brusquement, comme un sac, sur son épaule gauche. Il se mit alors à déambuler entre les arbres de la forêt de Mira. Ahénolïa avait l'impression qu'il ne savait pas où il allait. Mais au bout de dix bonnes minutes de marche, ils arrivèrent au bord d'un petit parking fait de terre.

    Là était garée une voiture noire. Un break noir. Ahénolïa ne reconnut pas la marque ni le modèle. Et pour cause : ce genre de voiture là était rare dans les environs. C'était le genre de véhicule qui ne passait pas totalement inaperçu dans cette petite ville, ce qui remonta le morale de la petite fille. Une chance de plus de la retrouver !

    L'homme au chapeau ouvrit la portière arrière et posa Ahénolïa sur la banquette. Il l'attacha solidement et lui ordonna de ne pas bouger. Il referma la portière, fit le tour du véhicule et s'assit sur le siège conducteur. L'enfant avait bien trop peur de ce qui pourrait lui arriver pour oser sortir de la voiture.

    A l'intérieur, ça sentait la cigarette. Ahénolïa connaissait bien cette odeur. Papa fumait. Maman fumait. Elle en était constamment entourée. L'odeur avait imprégné le cuir des sièges. Il fume beaucoup. Ahénolïa, bien décidée à s'échapper un jour, faisait tout pour garder en mémoire des indices de son ravisseur. C'est ce qu'ils demandent toujours les policiers, dans les feuilletons de maman.

    « Pouvez-vous me décrire la personne ? », « Vous souvenez-vous d'une odeur, d'un signe ou de quoique ce soit qui pourrait nous permettre de le retrouver ? »

    L'homme démarra la voiture et sortit en trombe du parking. Il n'y avait personne sur le parking. Personne pour les voir. Personne pour l'aider. Personne.



    ***



    Enfin ! Enfin il la tenait ! Elle était là, sur la banquette arrière de sa voiture ! Cette garce était à sa merci. L'homme au chapeau était le plus heureux au monde, en ce moment. Il jubilait sur son siège, surexcité à l'idée d'avoir enfin atteint son but. Il fit demi-tour et quitta le parking. Il s'engagea sur le sentier 47 et roula pendant 7 minutes. Il prit ensuite l'autoroute 32 et fonça tout droit pendant 23 minutes. Il sortit alors à droite et roula encore 5 minutes avant d'arriver dans un quartier assez chic. Il le traversa et se dirigea vers la déchetterie qui se trouvait au bout de la rue.

    Il sortit de sa voiture, regarda autour de lui afin de s'assurer qu'il n'y avait personne et contourna le véhicule avant d'ouvrir la portière arrière et de détacher Ahénolïa. Il la prit dans ses bras et s'éloigna de la voiture. Il ne repassa pas par le quartier par lequel il était arrivé.

    Il grimpa sur un talus, puis sur un deuxième et courut à travers un champ de terre, tenant toujours la petite par la main. Il arriva dans une rue aux maisons délabrées et la traversa. Il continua à courir jusqu'à arriver quelques rues plus loin, dans un quartier très chic. Il le traversa jusqu'à la moitié et se tourna vers la droite.

    Ahénolïa avait en face d'elle une maison blanche, aux volets bleu turquoise. L'allée qui menait à la maison était bordée de nombreuses fleurs, toutes différentes les unes des autres. Des lilas, des tulipes, des jonquilles, des roses, des oeillets, des jacinthes... L'allée était faite de pavés qui s'emboîtaient parfaitement. La porte de la maison était marron clair. En bois. Le toit était fait d'ardoises.

    Une si jolie maison... Mais Ahénolïa savait que derrière les apparences se cachaient certaines choses bien étranges... Elle le savait pour en être l'exemple même. Une peste derrière un visage d'ange. L'homme la posa à terre et se pencha vers elle.

    « Ahénolïa Sting. Petite peste. Sache que tu vas payer pour ton égo surdimensionné. On va bien rigoler.

    -Tu m'fais pas peur.

    -Vraiment ?

    -Oui.

    -On verra si tu raconteras la même chose dans quelques jours... »

    Il lui serra la main de toutes ses forces, à lui faire mal aux doigts. Ahénolïa avait envie de lui crier de la lâcher mais il aurait été trop heureux. Alors elle se tut, ravala ses larmes et ses grimaces de douleur et le fixa du regard. Il se releva, mit sa main derrière le dos de la petite fille et la dirigea vers l'entrée de la maison. Il ouvrit la porte et la poussa à l'intérieur d'un coup de pied.

     

     Les prochains jours s'annonçaient catastrophiques pour Nolie. 


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  • Samedi 23 janvier 2009, 12h17, maison de la famille Sting.



    Jimmy Sting était affalé sur le canapé du salon, regardant un match de baseball féminin. Il avait toujours aimé la façon dont les filles bougeaient leurs hanches à chaque coup de batte qu'elles donnaient. Il se disait toujours que ce ne serait jamais Alésia qui régalerait ses yeux à ce point. Il avait ouvert sa chemise, laissant voir son torse hideux et couvert de poils. Il avait jeté ses chaussures dans l'entrée, ne prenant pas la peine de vérifier qu'elles ne gêneraient personne, les laissant traîner ainsi, au milieu du passage.

    Alésia était debout dans sa cuisine, s'escrimant à ouvrir une boîte de conserve contenant leur repas du soir. Elle n'était pas une grande cuisinière, encore moins un chef. Son seul talent culinaire se limitait au fait d'ouvrir les boîtes avec un ouvre-boîte pour gaucher, alors qu'elle était droitière. Mais ce jour-là, la boîte lui résistait et elle dût se résoudre à demander de l'aide à son mari.

    « Jim !

    - Quoi encore ?!

    - Tu peux m'aider ?

    - A faire quoi ?

    - Ouvrir la boîte.

    - Godiche...

    - Pardon ?

    - Donne-moi ça ! »

    Il lui arracha presque la boîte des mains et se mit à l'ouvrir brusquement.

    « Eh bien voilà, c'est pas compliqué !

    - Merci...

    - Où elle est l'autre ?

    - Qui ça ?

    - Ta fille tiens !

    - Arrête de l'appeler '' l'autre ''...

    - Elle est jamais là quand il faut.

    - Je ne sais pas où elle est.

    - Ahénolïa Sting vient ici ! se mit-il à hurler dans la maison.

    (...)

    - Mais où est-ce qu'elle est encore planquée ?

    - Laisse-la Jim...

    - Non ! Quand je l'appelle elle vient ! Nolie !

    - Jim laisse... »

    Jim lui assena une violente gifle qui laissa une marque rouge sur la joue d'Alésia.

    « Jim !

    -Tais-toi ! Nolie ? Viens ici ma chérie...

    - Ne viens pas Nolie ! Reste où tu es !

    - Tais-toi bon sang ! Je veux voir ma fille !

    - Tu oses te prendre pour son père ? Tu as vu comment tu lui parles ? Tu ne t'occupes jamais d'elle ! Tu passes ton temps à la traiter de lâche ! Tu la laisses faire n'importe quoi !

    - Moi ? Moi je la laisse faire n'importe quoi ? Dois-je te rappeler à cause de qui nous avons dû l'envoyer à l'hôpital parce qu'elle avait failli avaler du détergent ?

    - C'était un accident ! Je l'avais quittée des yeux pendant dix secondes ! Dix secondes !

    - Dix secondes de trop !

    - Et toi ? Tu étais où pour la surveiller ? Hein ? Dis-le moi !

    - Je ne peux pas toujours être là !

    - Et moi si ? C'est ça ?

    - Tu es sa mère ! D'ailleurs va voir où elle est !

    - Tu n'as qu'à y aller toi-même ! C'est bien toi qui la cherche non ?

    - Bon sang c'que tu m'énerves ! »

    Jimmy se leva avec peine de son canapé et se dirigea vers l'escalier qui menait à l'étage. Il monta chacune des marches en bois de l'escalier en tapant des pieds, afin de bien faire comprendre à sa femme que si ce tapage l'agaçait, elle n'avait qu'à monter chercher leur fille elle-même.

    Il déboula sur le palier, énervé au plus haut point et ouvrit violemment la porte de la chambre de la petite Ahénolïa, provoquant un courant d'air qui fit voler les nombreuses feuilles de dessin qui était posées en tas sur le petit bureau qu'elle avait reçu pour ses 3 ans.

    Elle n'était pas là. Il fouilla partout : sous le lit, dans l'armoire, sous le bureau, derrière la porte, sous la couverture et même sous le matelas. Aucune trace de sa fille. Sa colère redoubla d'intensité.

    « Ahénolïa Sting arrête de jouer ! C'est pas drôle ! Si tu ne sors pas tout de suite de ta cachette et que c'est moi qui te trouve tu vas avoir de sérieux problèmes ! Dépêche-toi »

    Il entra dans sa propre chambre et fouilla aux mêmes endroits que dans la pièce précédente. Toujours personne. Il continua à regarder dans toutes les recoins de l'étage mais faisait toujours chou blanc. Il redescendit en bas, furieux et mit chacune des pièces sens dessus dessous. Enervée par tout ce bruit, Alésia sortit de sa cuisine afin d'aller voir ce que faisait son mari.

    « Elle n'est pas en haut ? demanda-t-elle d'une petite voix.

    - Tu crois vraiment que si elle était en haut je serais ici en train de m'embêter à tout fouiller ? Réponds !

    - Non...

    - Alors arrête de poser des questions idiotes à longueur de journée et retourne dans ta cuisine ! »

    Ayant peur de se prendre une nouvelle gifle, Alésia obéit à l'ordre de son mari et retourna préparer son ''repas''.

    Jimmy se tenait debout dans le garage et avait maintenant retourné chacune des pièces de la maison, mais aucune trace de sa fille. C'est alors qu'il vit, sur le panier à linge sale, près de la machine à laver, un petit peignoir rose pale. Et il se souvint.

    Il retourna à l'intérieur de la maison pour s'affaler de nouveau dans son canapé et continua à regarder les jeunes joueuses de baseball. Alésia, intriguée par l'arrêt soudain de ses recherches, s'avança timidement vers lui.

    « Alors tu... tu l'as trouvée ?

    - Non.

    - Et tu ne la cherches plus ?

    - Pas la peine. Je sais où elle est. Je m'en souviens, maintenant.

    - Ah oui ? Et où est-elle ?

    - Dans les bois.

    - Dans les bois ?

    - Eh bien oui puisque j'te l'dis !

    - Mais qu'est-ce qu'elle fait là-bas ?

    - Mais comment veux-tu que j'le sache ?

    - Mais pourquoi est-elle partie là-bas ?

    - Je l'ai traitée de lâche.

    - Pourquoi ?

    - Je t'en pose des questions moi ! Elle m'a demandé si elle était lâche, je lui ai donné des exemples de personnes courageuses et je lui ai dit que comparée à ces gens là, elle était lâche à rester toute la journée au chaud dans son peignoir !

    - Il faut qu'on aille la chercher !

    - Elle va revenir.

    - Et si elle s'est perdue ?

    - Bah... qu'est-ce que tu veux que j'te dise ?

    - Viens Jim ! On y va !

    - Mais... et le match...

    - On s'en fiche ! Il y en aura d'autres des jeunes filles qui se tortillent pour taper dans une balle ! »

    Jimmy se leva à contrecoeur et suivit sa femme dehors, après qu'ils eurent mis leurs chaussures. Ils allèrent vers la forêt de Mira, qui était attenante à leur maison et s'y engouffrèrent. Ils commencèrent à appeler Ahénolïa.

     

     Ils n'eurent aucune réponse... 


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  • Samedi 23 janvier 2009, 13h05, commissariat de police de Westminston, bureau du l'agent Bory.



    L'agent Ïga Bory se tenait debout devant sa fenêtre, regardant les hautes tours qui surplombaient la ville. Elle aurait aimé avoir un paysage de vallées ensoleillées, de cascades et de champs de tournesols. Mais elle avait eu le droit à des tours d'acier. Oh, bien sûr, elle était consciente qu'elle n'aurait que ce paysage sinistre en vue, quand elle avait accepté de venir travailler dans le commissariat de Westminston. Mais elle regrettait amèrement les fabuleux décors de sa Hollande natale.

    Ïga Bory était une grande femme, mince, les cheveux coupés au carré, châtains, portant toujours des chemises blanches sous un veston bleu ou une veste en cuir marron. Elle se déplaçait toujours avec élégance et délicatesse. On aurait dit un chat. Ou une panthère. Ses collègues spéculaient encore sur le félin qui la représentait au mieux. Elle avait de longues jambes très fines et musclées. Ses poignets aussi étaient fins et semblaient pouvoir être brisés si elle les bougeait trop brusquement.

    Car brusque elle l'était. Elle avait une force incroyable et s'amusait beaucoup à courir après les suspects, meurtriers, voleurs et autres malfrats. Elle se jetait sur eux avec joie et leur plaquait les bras dans le dos avec force. Elle était légèrement sadique d'après ses collègues, mais elle aimait ça.

    C'est alors que quelqu'un frappa à la porte du bureau d'Ïga, l'arrachant à ses pensées. Elle sursauta puis se retourna vivement, surprise que l'on vienne la voir à l'heure du déjeuner. Habituellement, tous les agents se retrouvaient au restaurant qui se trouvait en face du commissariat. Elle pensait être toute seule dans le bâtiment. Parfois même, quelqu'un fermait la grande porte à clé et elle se retrouvait coincée à l'intérieur.

    Elle cria à la personne d'entrer, pressée d'être seule à nouveau. C'était Annie, la secrétaire du commissariat. Elle était penchée derrière la porte, laissant voir uniquement son visage rond, ses lunettes rouges et sa tignasse rousse. Elle tenait un téléphone serré contre sa poitrine, afin de masquer les bruits de la conversation à l'interlocuteur, et regardait Ïga d'un air gêné, sachant qu'elle la dérangeait un petit peu.

    « Hum... Agent Bory, c'est une certaine Alésia Sting. Elle appelle parce que sa fille est partie dans la forêt de Mira ce matin et qu'elle n'est pas revenue. La dame et son mari l'ont appelée pendant une heure, en parcourant les bois, sans réponse. Elle demande si vous pouvez venir avec une équipe pour ratisser la forêt et les rues alentours.

    - Passez-la-moi Annie, s'il vous plait.

    - Oui, bien sûr. »

    Ïga s'empara du téléphone et se mit à faire les cent pas pendant qu'elle discutait avec Mme Sting. En se tournant, elle vit Annie s'éclipser en refermant discrètement la porte derrière elle.

    « Mme Sting ? Alésia Sting ?

    (Alésia ! quel drôle de prénom... remarque, Ïga ce n'est pas vraiment mieux...)

    - Oui. Oui c'est moi, répondit Alésia d'une voix étrange et étouffée.

    (elle pleure ou elle rigole ?)

    - Mme Sting votre fille est perdue dans les bois c'est bien cela ?

    (OK, elle pleure. parents indignes ! laisser une gosse toute seule dans la forêt de Mira...!)

    - Oui. Elle est partie dans les bois ce matin et elle n'est pas rentrée. On est parti la chercher, mon mari et moi, on l'a appelée mais rien. Aucune réponse.

    - Quel âge à votre fille ?

    - 6 ans madame.

    - Comment s'appelle-t-elle ?

    - Ahénolïa. Ahénolïa Sting.

    (oui merci, je me doute que son nom de famille est Sting... Ahénolïa... c'est vraiment une manie apparemment dans cette famille...)

    - Mme Sting, vers quelle heure est-elle sortie dehors ?

    - Je ne sais pas... *Chéri vers quelle heure est-elle sortie ? **J'en sais rien moi ! Vers 9h !* Vers 9h madame.

    - D'accord, merci madame Sting. J'aurai besoin du numéro et du nom de votre rue, s'il vous plait.

    (j'espère qu'elle ne va pas me répondre « Centre de désintoxication de Westminston, chambre 27 »...)

    - 12 rue des Colombes.

    (merci, mon Dieu...)

    - D'accord, merci madame, je vous envois une équipe. Elle devrait arriver dans... une quinzaine de minutes je pense. Vous devriez attendre chez vous, le temps que nos agents arrivent.

    -Oui. D'accord. Merci. »

    Ïga raccrocha et sortit de son bureau pour se rendre dans celui d'Annie, afin de lui rendre son téléphone. Lorsqu'elle y entra, il n'y avait personne.

    (sûrement au resto...)

    Elle reposa donc le téléphone et ressortit pour retourner à son bureau. Elle s'assit et mangea les deux sandwichs qu'elle avait achetés pour midi, histoire d'éviter de devoir aller au restaurant avec les autres.

     

     Ïga Bory n'était décidément pas une femme que l'on pouvait qualifier de « très sociable ».


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  • Samedi 23 janvier 2009, 13h22, maison de la famille Sting.



    toc toc toc...



    « Oui, une seconde, j'arrive ! Chéri tu ne veux pas aller ouvrir s'il te plait ?

    - Pourquoi t'y vas pas ?

    - Je... Je suis occupée... »

    Jimmy soupira et se leva avec peine de son canapé. Il s'était tellement assis dedans que la barre en bois qui était à l'intérieur lui rentrait dans le dos et qu'il s'enfonçait dans le siège à chaque fois qu'il essayait de se lever. Il alla jusqu'à la porte qu'il ouvrit, agacé d'être dérangé sans cesse depuis ce matin. Il tomba nez à nez avec trois policiers.

    « Monsieur Sting ?

    - Oui. C'est moi. Qu'est-ce que vous voulez ?

    - Agents Hirvy, Berhzo et Spitz. Nous venons à la demande de votre femme pour rechercher votre fille... Ahénolïa.

    - Ah ouais. Euh... entrez ma femme va pas tarder.

    - Merci monsieur. »

    Les trois agents entrèrent et se mirent à regarder l'intérieur de la maison. C'était une manie chez eux. Quand on entre dans une maison, il suffit de regarder les meubles, les objets, les murs et même sans rien toucher, on sait comment ils vivent, comment ils éduquent leurs enfants. On peut presque deviner ce qu'ils mangent. Et à en juger par l'état de la pièce principale et au comportement de Jimmy Sting, ils ne vivaient pas comme des rois.

    Jimmy passa devant eux et retourna s'asseoir dans son éternel canapé, tandis que sa femme descendait les marches de l'escalier. Au moment où le dos de Jimmy touchait le dossier du canapé, Alésia posait son pied sur la dernière marche de l'escalier.

    Elle vint presque en courant vers les trois agents qui furent assez surpris de voir arriver une femme aussi maquillée et superficielle. Elle devait avoir dans les 30 ans mais en

    paraissait dix de plus. Elle avait l'air soulagée malgré les larmes maladroitement essuyées qui étaient encore bien visibles sur ses joues rebondies.

    « Oh messieurs ! Ma petite fille... Ma chérie... On ne sait pas où... Oh.

    - Calmez-vous madame. Nous allons la retrouver. Elle ne doit pas être bien loin...

    - On l'a appelée pendant plus d'une heure et... rien. On ne sait pas si... Oh, et s'il lui était arrivé quelque chose... Je ne pourrai pas le supporter. Oh, non... Jamais.

    - Madame, nous allons devoir vous poser quelques questions afin de savoir pourquoi elle est partie et où elle aurait pu aller.

    - Oui, bien sûr.

    - Bien. Alors nous allons vous soumettre ce petit questionnaire que vous devez remplir maintenant. Ce sont les informations de base que nous devons connaître sur votre fille.

    - Oui, très bien. »

    Alésia convia les trois hommes à venir s'asseoir à une petite table en bois qui se trouvait entre le salon et la cuisine. L'un des agents tendit le questionnaire à Alésia, qui se leva et partit en direction de la cuisine afin d'y prendre un stylo. Elle revint dans le salon et s'assit de nouveau, puis s'empressa de remplir le-dit questionnaire et le rendit à l'agent qui le lui avait donné. Celui-ci se mit à le lire pour connaître plus de détails sur Ahénolïa.



    Nom de la personne disparue : Sting

    Prénom : Ahénolïa

    Date de naissance : 6 décembre 2003

    Age : 6 ans

    Adresse : 12 rue des Colombes, Westminston

    Nom, prénom(s) et profession du père : Jérémy Alexandre Sting, agent immobilier

    Nom, prénom(s) et profession de la mère : Alésia Marie Sting, mère au foyer

    Situation des parents : Mariés

    Couleur des yeux de la personne disparue : vert

    Couleur des cheveux : marron-caramel

    Taille (en m.) : 1m15

    Poids (en kg.) : 20,3 kg.

    Pointure : 30

    Numéro(s) de téléphone des parents : 08 93 56 47 22

    Vêtements portés le jour de la disparition : Manteau rouge, pull blanc à rayures bleues, bottes rouges, pantalon bleu foncé.

    L'agent passa le questionnaire à ses collègues afin qu'ils puissent en prendre connaissance et regarda Alésia pendant de longues minutes. Puis, quand ses partenaires eurent fini leur lecture, celui de droite posa le questionnaire sur la table et celui au centre reprit la parole.

    « Mme Sting, est-ce que... Est-ce que vous connaissez les raisons qui auraient pu pousser votre fille à partir dans la forêt ?

    - Euh... Eh bien... Non. Non je ne les connais pas...

    - Mme Sting... Nous ne pourrons pas retrouver votre fille si vous ne nous aidez pas...

    - Bon. Oui, je... »

    Alésia se stoppa net lorsqu'elle croisa le regard de Jimmy. Il avait les sourcils froncés et ses yeux étaient noirs comme de l'encre. Il avait l'air de quelqu'un capable de vous tuer si vous révéliez l'un de ses secrets. Et Alésia déglutit avec difficulté lorsque l'agent de police qui se trouvait en face d'elle lui demanda de poursuivre.

    « Donc, vous dites que vous pensez connaître ces raisons, c'est bien cela, Mme Sting ?

    - Oui.

    - Pouvez-vous nous en faire part ?

    - Eh bien.

    - Votre fille est tout ce qui nous importe madame. Nous ne sommes pas là pour juger ou quoique ce...

    - Oh que si ! s'exclama Jimmy qui venait de se lever d'un bond de son canapé.

    - Monsieur... commença l'agent qui se tenait à droite.

    - Quoi ? Venez pas ici si c'est pour raconter des blagues ! Vous demandez ça, vous jugez pas devant nous mais dès que c'est sorti ça lance des vannes et ça raconte !

    - Jimmy, voyons, ces messieurs ne sont pas comme ça ! Il veulent juste nous aider... intervint Alésia.

    - Ah oui ? Nous aider à quoi ? Démolir notre réputation ? Déjà qu'elle est bien mince !

    - Jimmy s'il te plaît, laisse nous...

    - Non ! Je les laisserai pas ruiner c'que j'ai ! J'veux qu'ils sortent de chez moi ! Sortez ! Vous avez pas compris ?

    - Jimmy va-t-en !

    - Bons à rien ! Comment est-ce que tu peux leur faire confiance ? Si tu leur raconte quoi que ce soit je te jure que...

    - Monsieur nous n'allons rien raconter à personne... C'est juste pour essayer d'avoir plus d'informations, pour retrouver votre fille le plus vite possible.

    - Si ça se trouve elle est déjà morte. »

    Alésia ouvrit sa bouche et écarquilla les yeux au maximum. Les trois agents se regardèrent, choqués par de telles paroles. Jimmy monta alors l'escalier et alla dans sa chambre.

    Alésia regarda de nouveau les trois hommes assis en face d'elle. Elle baissa les yeux lorsqu'elle vit qu'ils la regardaient également et devint cramoisie. Elle était gênée, mal à l'aise et choquée par les propos de son mari. L'agent qui se trouvait à gauche, et qui n'avait pas prononcé un seul mot depuis qu'il était arrivé, commença alors à parler à Alésia, d'une voix douce, calme et posée.

    « Madame Sting, est-ce que votre mari est alcoolique ?

    - Non. Il est juste brutal, violent et hautain.

    - Est-ce qu'il vous bat ?

    - Non.

    - Très bien.

    - Vous... Vous ne raconterez vraiment rien ?

    - Nous devrons le rapporter à notre chef, que vous avez eue au téléphone, mais à part elle personne ne le saura.

    - Très bien. Merci.

    - Mme Sting. Est-ce qu'il serait possible pour vous de nous faire part de ce que vous savez sur les raisons de la fuite de votre fille ?

    - Oui.

    - Très bien. »

    L'homme de gauche sortit un petit Dictaphone de sa poche et le posa au centre de la table. Il regarda Alésia, qui ne comprenait pas ce qu'il faisait, et la rassura.

    « Pour enregistrer. Je n'ai pas une mémoire phénoménale et nous aurons sûrement besoin de ce que vous allez nous dire.

    - D'accord. »

    Il enclencha le bouton START et commença à parler.

    « Samedi 23 janvier 2009, 14h24, maison de Jimmy et Alésia Sting, 12 rue des Colombes, Westminston. Agent Irvy Spitz. Leur fille Ahénolïa a disparu aux alentours de 9h dans la forêt de Mira. Raisons potentielles de sa disparition d'après Alésia Sting, la mère de l'enfant. Allez-y madame...

    - Eh bien, ce matin Ahénolïa s'était réveillée vers 8h30. Elle avait déjeuné et était toujours en peignoir lorsqu'elle est allée dans le salon demander à son père s'il la trouvait lâche. Je ne sais pas pourquoi elle lui a demandé ça. Elle ne le lui a pas dit. Son père lui a répondu que, comparée aux personnes qui travaillent sous la pluie, aux pompiers, aux soldats, aux policiers et tous ceux-là, oui elle pouvait se considérer comme une lâche, au chaud dans sa maison, emmitouflée dans son peignoir. Alors elle est montée s'habiller, elle a pris son manteau rouge, elle a mis ses bottes et elle est sortie dehors. Vers 12h30 le repas était prêt et nous ne la trouvions pas. Je ne savais pas qu'elle était sortie, c'est mon mari qui m'a raconté tout cela. Donc nous sommes sortis tous les deux et nous sommes allés dans la forêt. On l'a appelée pendant plus d'une heure, sans réponse. Rien. Alors j'ai pris mon téléphone et j'ai composé le numéro du commissariat de Westminston.

    - D'accord. Merci madame Sting. Fin de la déposition. Samedi 23 janvier 2009, 14h36. »

    L'agent Spitz prit le Dictaphone dans sa main et appuya sur le bouton STOP. Il rangea l'appareil dans la sacoche qui était posée à côté de lui et regarda à nouveau Alésia.

    « Nous allons tout faire pour la retrouver Mme Sting. Je vous le promets.

    - Merci.

    - Maintenant nous allons vous laisser. On va retourner au commissariat et remplir un dossier afin que cette disparition soit traitée le plus rapidement possible.

    - D'accord, très bien. Merci.

    - Au revoir madame.

    - Au revoir. »

    Les trois hommes se levèrent et serrèrent la main d'Alésia. Ils se dirigèrent tous les trois vers la sortie et promirent qu'ils retrouveraient l'enfant. La jeune femme referma la porte derrière eux et resta debout dans l'entrée. Elle n'arrivait même plus à penser. On lui avait enlevé son bébé. Sa petite fille. La prunelle de ses yeux. Sa vie.

    C'était la seule information qui passait en boucle dans son cerveau, ne laissant plus la place à d'autres réflexions. Elle pensait à sa fille. Sa Nolie. Se demandant si elle avait mal. Se demandant si on l'avait enlevée ou si elle était juste perdue. Se demandant si elle avait peur. Si elle souffrait. Si elle était triste. Si elle pleurait.

     

     Alésia dû aller s'asseoir dans le canapé car elle commençait à voir des étoiles bleues devant ses yeux. 


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  • Samedi 23 janvier 2009, 15h03, commissariat de police de Westminston, bureau du l'agent Ïga Bory.



    L'agent Bory avait envoyé ses trois agents chez Alésia Sting depuis plus d'une heure et elle n'avait toujours aucune nouvelle.

    (Mais qu'est-ce qu'ils foutent Bon Dieu ?!)

    Ïga n'était pas du genre patiente. Loin de là. Elle aimait que tout soit fait dans la seconde et sans bavures. Vite fait bien fait, comme on dit. Et elle n'aimait surtout, surtout, surtout pas les personnes en retard, qui ne préviennent pas avant qu'elles le soient. « Vous êtes en retard ? Appelez ! ». C'était la première chose qu'elle apprenait aux nouveaux qui débarquaient dans son équipe.

    Tandis qu'elle était perdue dans ses pensées, énervée contre Spitz, Hirvy et Berhzo qui n'avaient toujours pas appelé, les trois hommes frappèrent à la porte du bureau et entrèrent, sans attendre d'y être invités. Lorsque Ïga se rendit compte qu'elle n'était plus toute seule, elle décida de rester tournée vers la fenêtre, se mettant dos à eux, sachant pertinemment que cela les mettrait mal à l'aise, mais ça lui plaisait.

    « Pouviez pas prévenir ?

    - Dispute.

    - OK.

    - On est restés près d'une heure là-bas...

    - Et la demi-heure qui restait ?

    - Quoi ?

    - Ça fait une heure et demie que je vous ai envoyés là-bas.

    - La route.

    - Et vous ne pouviez pas appeler sur le retour pour prévenir, histoire que je sache que tout allait bien, que je prenne connaissance de tout ce que vous savez ?

    - On...

    - Non.

    - Désolés.

    - Bah, c'est rien. Je suis... un peu à cran, ces temps-ci.

    - Ouais, on a vu ça.

    - OK. Donc, qu'est-ce que vous avez appris ?

    - On lui a fait remplir le questionnaire, on a enregistré les raisons probables de la fuite et puis les parents se sont disputés. On sait que le père est brutal mais pas alcoolique. Il ne bat pas sa femme ni sa fille.

    - Une bonne chose au moins.

    - Ouais. Mais il n'a pas l'air de les aimer vraiment. Il faudra peut-être l'interroger... Et puis... tiens, voilà le questionnaire.

    - Qui l'a rempli ?

    - La mère.

    - Où était le père ?

    - Dans le canapé.

    - OK.

    - Et puis...

    - L'enregistrement.

    - C'est moi qui l'ai, intervint Spitz en sortant l'appareil de sa sacoche. Il le tendit à Bory.

    - Merci. J'aime pas les disparitions d'enfants...

    - Nous non plus. Mais si ça se trouve elle s'est juste perdue.

    - Dans Mira ? Y a pas pire endroit pour se perdre.

    - On la retrouvera.

    - Ouais. »

    L'agent Bory prit sa veste en cuir marron qui était sur le dossier de sa chaise et se dirigea vers la porte. Les trois hommes la regardèrent, se demandant où elle allait, puis elle se tourna vers eux, légèrement agacée.

    « Bah alors... vous venez ?

    - Où ça ?

    - A Mira tiens ! Où veux-tu qu'on aille ? »

    Spitz prit sa sacoche, Hirvy ouvrit la porte et Berhzo laissa Bory passer devant.

    « J'espère qu'elle n'est pas partie trop loin... murmura Berhzo.

    - Je l'espère aussi, soupira Bory »

     

     Ils sortirent du commissariat et montèrent dans deux des voitures de fonction, entrant tous la direction de la Forêt de Mira dans leur GPS.


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