• Chapitre 7

    Samedi 23 janvier 2009, 15h57, forêt de Mira.



    Bory, Spitz, Hirvy et Berhzo se garèrent en ligne sur le parking poussiéreux qui était attenant à la forêt. Ils descendirent de leurs voitures et se dirigèrent vers l'entrée du bois.

    « Allez, c'est parti... dit Ïga, l'air moins rassurée qu'à l'ordinaire. »

    Et elle pénétra dans la forêt, suivie par les trois hommes.

    Ils formaient un quatuor assez incongru. Pas beaucoup de points communs. Des physiques assez opposés. Pas toujours les mêmes façons de s'habiller. Ni de se comporter.

    L'agent Irvy Spitz était roux aux yeux verts. Il était toujours vêtu d'un costume- cravate marron clair et de chaussures bien cirées. Il avait des lunettes, marrons elles aussi, et le crâne légèrement dégarni. A première vue, il ressemblait plus à un inspecteur des impôts qu'à un agent de police. Mais il avait le mérite d'être direct, poli, délicat et perfectionniste. Il ne quittait jamais sa sacoche, qui contenait tout son matériel. Spitz était le plus habile du groupe pour tout ce qui touchait à l'informatique.

    L'agent Ïan Hirvy était grand. Très grand. Il mesurait aux alentours de deux mètres et avait toujours du mal à trouver des vêtements à sa taille dans les magasins. Il portait un jean noir, une chemise blanche et une veste en cuir noire. Ses cheveux étaient de la même couleur que sa veste et toujours légèrement en bataille, bien qu'il s'appliquait à essayer de les discipliner chaque matin. Il était connu au commissariat pour ses blagues, son humour et son charisme. Il était toujours appelé le premier quand il y avait un interrogatoire ou une visite à effectuer chez les proches des victimes.

    L'agent Kurt Berhzo était de taille moyenne et avait des cheveux noirs, comme son collègue, l'agent Hirvy. Il était timide, discret et ne parlait pas beaucoup lors des visites ou des interrogatoires. Il était toujours habillé d'un costume-cravate noir ou gris, suivant son humeur. Chaque fois qu'il fallait observer des lieux ou trouver des indices, ses collègues sortaient toujours de la pièce pour le laisser travailler en silence, parce qu'il était le plus doué pour trouver des choses que personne ne voyait.

    Au final, ils avaient tous quelque chose qu'ils avaient « hérité » d'Ïga. Spitz avait eu le droit à son perfectionnisme. Hirvy avait eu le droit à son charisme. Et Berhzo avait hérité de sa discrétion et de son observation.

    Ïga, Kurt, Irvy et Ïan se suivaient en file indienne, à travers les troncs.

    « Vous connaissez le chemin au moins ? demanda Ïga.

    - Le chemin pour aller où ? lui demanda Berhzo, qui se trouvait en début de file.

    - Pour aller chez les Sting !

    - Ah... euh... oui.

    - Tu sais Berhzo, si tu ne le connais pas, tu me le dis tout de suite, histoire qu'on ne se perde pas dès le début.

    - Je le connais presque...

    - Presque ? Ça veut dire quoi « presque » ? Soit tu le connais, soit tu ne le connais pas !

    - Je le connais ! Mais c'est juste certains passages où il y a plusieurs chemins et...

    - Spitz, tu le connais ?

    - Oui.

    - Merci Spitz. »

    Irvy Spitz remit ses mains dans ses poches et continua à marcher en regardant ses chaussures. Berhzo, lui, avait l'air penaud.

    « Je ne t'en veux pas Kurt. C'est juste que je n'ai vraiment pas envie de me perdre là-dedans...

    - Oui, je comprends.

    - Sûr ?

    - Oui.

    - OK. »

    Ils continuèrent de marcher pendant dix minutes, se laissant guider par Spitz et Berhzo qui mêlaient leurs souvenirs du chemin à suivre, tandis que Hirvy essayait de meubler la conversation avec Bory.

    « Ïga, comment est-ce que t'es devenue agent au fait !

    - Quand j'étais petite je voulais faire lieutenant de l'armée et mon père était militaire alors il m'a aidée à me faire un peu connaître pour m'ouvrir des portes et finalement j'ai découvert le métier d'agent de police et ça m'attirait beaucoup plus que lieutenant.

    - Sérieusement ?

    - Tu ne me crois pas ?

    - En fait... si. Tous les lieutenants sont têtus, pointilleux, grognons et ça te correspond ! »

    Hirvy se mit à éclater de rire tandis qu'Ïga lui mettait un coup de coude dans les côtes en souriant. Elle fit semblant d'être vexée et Hirvy cru qu'elle l'était réellement.

    « Eh... Ïga, c'était pour rire. Je t'ai vexée ?

    - Oui.

    - Mince, désolé. C'était pour rire tu sais ?

    - Mais oui je sais ! Moi aussi c'était pour rire !

    - Vous avez fini vos gamineries ? demanda Spitz qui n'arrivait pas à se concentrer sur les souvenirs qu'il avait du chemin, avec tout le bruit que faisaient ses collègues.

    - Ïga tais-toi, l'agent spécial Spitz est très énervé !

    - Mais taisez-vous à la fin !

    - C'est toi le nouveau lieutenant Spitz ? demanda Hirvy.

    - On se demande ce que fait le vrai lieutenant... lâcha Irvy à sa chef en souriant. »

    Les quatre collègues se mirent à rire tout en continuant de marcher. C'est alors qu'ils aperçurent la sortie du bois.

    « Merci Spitz ! Et merci Berhzo aussi ! On est sauvés !

    - T'en fais pas un peu trop Ïga ? demanda Hirvy.

    - C'est pas une blague. Je te le dis, se perdre dans Mira c'est un vrai cauchemar ! »

    Cette phrase que Bory venait de dire fit remonter de nombreux souvenirs à la surface. Et pas des plus agréables...

    (24 mai 1986, forêt de Mira.

    Ïga tourna sur elle-même, l'angoisse se lisant dans les prunelles de ses yeux. Perdue. Elle était perdue. Elle ne voyait que les troncs autour d'elle et la lumière ne passait que faiblement à travers le feuillage des arbres. Comment avait-elle réussi à se perdre ?

    Et surtout comment allait-elle sortir ? Elle n'avait que 7 ans !

    « Papa, où es-tu ? Papa ! »

    Ïga tournait sur elle-même, l'angoisse se lisant sur son visage qui était devenu blême.

    *CRAC*

    Ïga se retourna violemment. Derrière elle, caché par le tronc d'un chêne, un homme en manteau rouge se tenait debout, une casquette bleu marine sur la tête. Dès qu'elle le vit, elle se mit à courir. Elle l'avait vue dans ses yeux. La lueur. Celle que l'on voit dans le regard des gens qui passent à la télévision. Les gens qui ont tué. Les gens que l'on va emprisonner. Alors elle courut. Elle détala à toute vitesse, aussi vite que ses petites jambes le permettaient.

    Mais l'homme à la casquette faisait de très grands pas et ne tarda pas à la rattraper. Ïga, apeurée, se mit à hurler de toutes ses forces.

    « NON ! »

    Non, il n'avait pas le droit !

    « Papa ! Papa, viens me chercher ! Papa, viens ! J'ai besoin de toi ! PAPAAAAA ! »)



    « Ïga ? Ça va ? Qu'est-ce qu'il y a ? Ïga, réponds bon sang ! »

    Ïga était restée plantée au milieu du sentier, le regard vague, perdue dans ses pensées. Elle était en train de parler avec Hirvy, pendant que Spitz et Berhzo se félicitaient d'avoir retrouvé, ensemble, le chemin de la maison des Sting. Et depuis, Ïga avait le regard voilé, le visage dépourvu d'expression, l'esprit ailleurs.

    « Ïga !

    - Hirvy ? Mais qu'est-ce... commença-t-elle, enfin revenue à elle.

    - Ïga, qu'est-ce qu'il s'est passé ?

    - Euh... Je... Rien.

    - Rien ? T'appelles ça rien ? Bordel, Ïga, dis-le nous !

    - Hirvy, je suis désolée, mais je ne peux pas te le dire.

    - Mais Ïga...

    - Je ne peux pas te le dire ! Je ne peux pas.

    - OK. Mais tu es sûre que ça va ?

    - Oui.

    - D'accord. On va chez les Sting.

    - Ouais.

    - Bon... On y va. »

    Spitz et Berhzo reprirent la tête de la file, côte à côte, et se jetant des regards interrogateurs, essayant de savoir si l'autre comprenait. Malheureusement, aucun d'eux ne le savait. Et tant qu'Ïga ne dirait rien... ils ne le sauraient pas.

    Ils arrivèrent devant la maison des Sting vers 16h37. Spitz frappa à la porte et Alésia leur ouvrit, les invitant à s'asseoir à la même table qu'en début d'après-midi. Jimmy était en haut dans sa chambre, en train de dormir. Ïga prit la parole et demanda des informations complémentaires à la mère d'Ahénolïa, afin de pouvoir retrouver l'enfant plus rapidement et plus facilement qu'avec un questionnaire et un enregistrement au Dictaphone.



     




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